Par une requête enregistrée le 8 novembre 2016 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2016, l’association Les amis de la Terre en Haute-Savoie, la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Haute-Savoie (FRAPNA 74) et l’association Lac d’Annecy environnement, représentées par MeF..., demandent au juge des référés :
- sur le fondement de l’article L. 123-16 du code de l'environnement, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 12 septembre 2016 et de l’arrêté complétif du 19 septembre 2016 du préfet de la Haute-Savoie portant déclaration d’utilité publique du projet de création d’un centre d’expositions, de séminaires et de congrès sur les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux et emportant mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme de ces communes ;
- de condamner l’Etat au versement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérantes soutiennent que :
- ces arrêtés méconnaissent les articles L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 121-1 IV du code de l'environnement pour ne pas avoir fixé les mesures compensatoires à la charge du porteur du projet : 1) cette carence ne peut être suppléée par les mesures préconisées par l’étude d’impact, 2) le fait que le maître d’ouvrage se serait volontairement soumis à une étude d’impact ne dispensait pas le préfet de fixer les mesures compensatoires, 3) ces mesures n’ont pas été fixées par l’arrêté ;
- l’article L. 121-13, alinéas 1 et 2 du code de l'urbanisme a été méconnu : 1) l’arrêté autorise une extension de l’urbanisation, 2) celle-ci n’est pas une urbanisation limitée, 3) l’éventuelle conformité au SCoT ne permet pas de déduire que cette extension sera limitée ;
- le projet est dépourvu d’utilité publique ;
- il n’existe pas d’atteinte particulièrement grave à l’intérêt général qui permettrait de rejeter la demande de suspension.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que :
- la déclaration d’utilité publique n’a pour objet que de permettre l’acquisition des terrains et c’est au stade du permis de construire que seront examinés les griefs des requérantes ;
- l’arrêté n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;
- la déclaration d’utilité publique ne constitue pas une extension de l’urbanisation ;
- en tout état de cause, ce ne serait qu’une extension limitée et le plan local d’urbanisme d’Annecy-le-Vieux justifie et motive la réalisation du centre de congrès.
Par des mémoires enregistrés les 25 et 28 novembre 2016, les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux, représentées par MeD..., concluent :
- au rejet de la requête ;
- à la condamnation des requérantes à leur verser à chacune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les requérantes sont dépourvues d’intérêt pour agir ;
- la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme ;
- l’autorité environnementale a été saisie ;
- en l’absence d’effets négatifs notables, le projet n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;
- il n’existe pas d’extension de l’urbanisation puisque le projet se situe au sein d’une zone déjà urbanisée ;
- le projet est prévu par le SCoT qui est compatible avec la loi Littoral ;
- en tout état de cause, le projet est justifié et motivé et répond au critère d’extension limitée ;
- le projet est d’utilité publique.
Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2016, la communauté de l’agglomération d’Annecy représentée par Me D...et MeC..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la condamnation des requérantes à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérantes sont dépourvues d’intérêt pour agir ;
- la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme ;
- l’étude d’impact n’était pas requise ;
- en l’absence d’effets négatifs notables, le projet n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;
- le projet est d’utilité publique.
Vu :
- la requête en annulation enregistrée sous le n° 1606341,
- les autres pièces du dossier,
- le code de l'environnement,
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative,
- la décision du 1er septembre 2014 du président du Tribunal désignant M. B...comme juge des référés.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.
Au cours de l’audience publique du 28 novembre 2016 à 10 heures, le juge des référés :
- a informé les parties de son intention de ne déclarer la requête recevable qu’en tant qu’elle émane de la FRAPNA 74, seule à avoir introduit un recours en annulation ;
- a entendu les observations de Me F...pour les requérantes, de MM.G..., A...et E...pour le préfet de la Haute-Savoie, de Me C...et de Me D...pour les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux et pour la communauté de l’agglomération d’Annecy.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
Les requérantes ont produit une note en délibéré le 28 novembre 2016.
1. Considérant que le premier alinéa de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, auquel renvoie l’article L. 554-12 du code de justice administrative, dispose que « le juge administratif des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci » ;
Sur la recevabilité du recours :
Quant à la recevabilité des associations Les amis de la Terre en Haute-Savoie et Lac d’Annecy environnement ;
2. Considérant que contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, le législateur n’a pas, par le régime spécifique de l’article L. 123-12 du code de l'environnement, écarté l’exigence d’un recours en annulation posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative dès lors que, dans le cas contraire, le juge des référés pourrait être amené à prononcer une mesure de suspension qui aurait le caractère d’une mesure définitive et non provisoire comme le prévoit l’article L. 511-1 du même code ; qu’il s’ensuit que les associations Les amis de la Terre en Haute-Savoie et Lac d’Annecy environnement qui n’ont pas présenté de recours en annulation, ne sont pas recevables à demander la suspension des arrêtés attaqués ;
Quant à l’intérêt pour agir de la FRAPNA 74 :
3. Considérant que la FRAPNA 74, association agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre départemental et qui a pour but « la défense et la protection des sites, la sauvegarde de l'environnement, et de manière générale du milieu naturel et de la flore et de la faune qu'il abrite en Haute-Savoie » dispose d’un intérêt pour agir à l’encontre des arrêtés en litige qui s’inscrivent dans le cadre de la réalisation d’un projet d’aménagement d’un complexe de près de 10 000 m² sur la presqu’île d’Albigny, à proximité immédiate du rivage du lac d’Annecy ; que ni la qualité architecturale et paysagère du projet, ni la circonstance invoquée en défense qu’il participe à la valorisation et à l’accessibilité au public du site ne sont de nature à retirer à la FRAPNA 74 cet intérêt pour agir ; que la fin de non-recevoir opposée de ce chef doit donc être écartée ;
Quant à la recevabilité de la demande de suspension des arrêtés en tant qu’ils emportent mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux :
4. Considérant que la commission d’enquête ayant rendu des conclusions défavorables à la déclaration d’utilité publique, le recours de la FRAPNA 74 présenté sur le fondement de l’article L. 123-12 du code de l'environnement est recevable y compris en tant qu’il porte sur la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux qui n’en est que la conséquence et ce, même si la commission d’enquête a rendu un avis favorable à la mise en compatibilité alors même qu’un des motifs de l’avis négatif concernant la déclaration d’utilité publique était le non-respect des dispositions de la loi littoral ;
Sur la demande de suspension :
5. Considérant qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de ce que les arrêtés autorisent une extension de l’urbanisation en violation de l’article L. 121-13 alinéas 1 et 2 du code de l'urbanisme est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés attaqués ; que présente ce même caractère celui tiré de l’absence d’utilité publique de l’opération ; qu’en conséquence doit être ordonnée la suspension de l’exécution des arrêtés attaqués dès lors qu’il n’existe pas d’atteinte particulièrement grave à l’intérêt général qui s’y opposerait ;
Sur les frais de procès :
6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d’Annecy, la commune d’Annecy-le-Vieux et la communauté de l’agglomération d’Annecy doivent dès lors être rejetées ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros à verser à la FRAPNA 74 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : | L’exécution des arrêtés du 12 et 19 septembre 2016 est suspendue.
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Article 2 : | L’Etat versera à la FRAPNA 74 une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Article 3 : | La présente ordonnance sera notifiée à l’association Les amis de la Terre en Haute-Savoie, à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Haute-Savoie (FRAPNA 74), à l’association Lac d’Annecy environnement, au ministre de l’intérieur, à la commune d'Annecy, à la commune d'Annecy-le-Vieux et à la communauté d’agglomération d’Annecy. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie. |