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Vu la procédure suivante :
Dans sa requête et son mémoire enregistrés le 19 mars 2013 et le 30 août 2013, Mme K, représentée par Me Derbel, demande au Tribunal :
1°) d’annuler la décision du 1er octobre 2012 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer une carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE », ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ;
2°) d’enjoindre au préfet de la Drôme, dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte journalière de 150 euros, de lui délivrer une carte « résident longue durée CE », subsidiairement de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme K soutient :
- que la décision attaquée est entachée d’incompétence de son signataire ;
- que la matérialité du motif fait défaut ;
- que les dispositions de l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont été méconnues dès lors qu’elle justifie d’une intégration ancienne en France.
Dans son mémoire, enregistré le 7 mai 2013, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Le préfet de la Drôme fait valoir :
- que la décision attaquée, qui renouvelle la carte de séjour temporaire, ne fait pas grief ;
- que le signataire a agi en vertu d’une délégation opposable ;
- que l’intéressée n’a pas satisfait aux conditions de l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’elle a permis que son mari entre et séjourne sur le territoire dans des conditions non régulières ;
- que l’intéressée ne justifie pas satisfaire aux conditions de ressources et de durée de résidence sur le territoire français prévues par l’article L. 314-8 du même code.
Vu :
- la décision attaquée et les autres pièces du dossier ;
- la décision du 22 février 2013 par laquelle le bureau d’aide juridictionnelle a admis Mme K à l’aide juridique totale ;
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 2 février 2016, le rapport de Mme Letellier.
1. Considérant que Mme K, ressortissante arménienne née en 1984, est entrée en France en 1999 ; qu’elle y séjourne sous couvert d’une carte de séjour temporaire renouvelée ; que le 2 août 2011, elle a présenté une demande de carte de résident portant la mention « résident de longue durée – CE » ; que par décision du 1er octobre 2012, le préfet de la Savoie a rejeté sa demande ; que Mme K en demande l’annulation, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux ;
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Considérant qu’en renouvelant le titre d’un an au lieu de délivrer un titre d’une durée dix fois supérieure et maintenant Mme K dans une situation moins favorable au regard de son droit au séjour, la décision attaquée fait grief ; que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Drôme doit, dès lors, être écartée ;
Sur les conclusions en annulation :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque les dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française s’applique nécessairement à la période de validité du titre demandé ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la carte de résident a été refusée à Mme K au motif qu’elle a aidé son époux à entrer et à séjourner irrégulièrement en France ; que, toutefois, ces circonstances passées, sans rapport avec la situation actuelle de l’intéressée et des gages d’insertion qu’elle est susceptible de donner, ne permet pas de présumer qu’elle ne peut prendre l’engagement - ou ne respectera pas l’engagement - de respecter les principes régissant la République française pendant la période de validité de la carte de résident qu’elle demande ; qu’ainsi, le préfet de la Drôme ne pouvait se fonder sur ce motif pour rejeter la demande de carte de résident « longue durée-CE » sans méconnaître les dispositions précitées ;
5. Considérant que si le préfet de la Drôme se prévaut, subsidiairement, des motifs tirés de l’insuffisance de la durée du séjour effectué par Mme K sous couvert d’une carte de séjour temporaire et de l’insuffisance de ses ressources, conditions auxquelles l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile soumet la délivrance d’une carte de résident, le bien fondé de ces motifs, ou de l’un d’eux, ne ressort pas des pièces du dossier et n’est appuyé d’aucun commencement de démonstration ; qu’ils ne peuvent, dès lors, se substituer au motif censuré au considérant 4 ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme K est fondée à demander l’annulation de la décision du 12 mai 2011 par laquelle le préfet de la Drôme lui a refusé une carte de résident, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :
7. Considérant que le présent jugement implique seulement, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de la Drôme réexamine la situation de Mme K ; qu’il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer une mesure d’astreinte ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
8. Considérant qu’aux termes de l’article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2014 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie (…) qui perd son procès (…) à payer à l’avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu’il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l’Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s’il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. / Si l’avocat du bénéficiaire de l’aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat. S'il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat » ; que Mme K ayant été admis à l’aide juridictionnelle, il y a lieu, en application de ces dispositions et dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros à verser à Me Derbel au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 2 octobre 2011 par laquelle le préfet de la Drôme a refusé à Mme K une demande de carte de résident est annulée, ensemble le rejet de son recours gracieux.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de réexaminer la situation de M. K dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L’Etat versera à Me Derbel conseil de Mme K une somme de 1 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.