Annulation de l'arrêté du 2 mai 2013 du préfet de l'Isère prenant une obligation de quitter le territoire français

Décision de justice
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°1305483

___________

M. X

___________

Mme Picot

Rapporteur

___________

M. Journé

Rapporteur public

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Audience du 31 janvier 2014

Lecture du 14 février 2014

___________

335-01-03

335-03

Aide juridictionnelle totale

Décision du 4 septembre 2013

C+

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Grenoble

(7ème chambre),

Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2013, présentée pour M. X, par Me Cans ;

M. X demande au tribunal :

- d'annuler l'arrêté du 2 mai 2013 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ;

- d'enjoindre au Préfet de délivrer à M. X un titre de séjour « vie privée et familiale » sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, dans un délai de un mois à compter de la notification du présent jugement, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

- de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme de 1000 euros à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ,

Vu l'ordonnance du 29 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 17 décembre 2013 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2013, présenté par le Préfet de l'Isère, par lequel il conclut au rejet de la requête ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 4 septembre 2013, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, notamment son article 37 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Picot, rapporteur,

- les conclusions de M. Journé, rapporteur public,

- les observations de Me Cans ;

Considérant que M X, ressortissant guinéen, né le 10 mai 1991, demande l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2013 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions en annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

2. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de cet article « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; / 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en œuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ; / 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. /Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4°. »

Considérant que M. X est entré en France le 22 janvier 2013 ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 8 février 2013 ; que le même jour l'identification de ses empreintes n'a pas pu être effectuée en raison de la présence d'un produit non identifié sur ses doigts ; que cette opération n'a pu davantage être réalisée le 15 février 2013, date de la deuxième convocation ; que M. X, souffrant, n'a pu se rendre au troisième rendez-vous fixé le 15 mars 2013 ; qu'une quatrième convocation fixant un rendez-vous au 9 avril 2013 mentionne qu'en cas de manquement à celui-ci, M. X serait regardé comme s'étant désisté de sa demande d'asile ; que M. X qui fait valoir que cette dernière convocation ne lui ai jamais parvenue, ne n'est pas rendu à ce quatrième rendez-vous ; que le préfet estimant que M. X s'était désisté de sa demande, a, par l'arrêté attaqué du 2 mai 2013, refusé, pour ce motif, de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'un refus d'autorisation provisoire de séjour ne peut être opposé à un demandeur d'asile que pour les quatre motifs limitativement énumérés ; que si dans la première hypothèse l'étranger fera l'objet d'une procédure de réadmission et ne pourra pas présenter de demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans les autres hypothèses il pourra déposer sa demande d'asile mais celle-ci sera traitée en procédure dite « prioritaire » ; que l'impossibilité pour l'administration de relever les empreintes d'un demandeur d'asile relève de la quatrième hypothèse prévue par ces dispositions ;

Considérant que le préfet ne peut déduire de l'impossibilité de relever les empreintes de M. Keita que celui-ci n'a pas souhaité donner suite à sa demande d'asile, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aucune disposition n'autorise le préfet a prendre une décision sur le fondement des dispositions du 8° de l'article L.314-11 et de l'article L.313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir préalablement soumis la demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il appartenait au préfet, confronté à l'impossibilité de recueillir les empreintes de M. Keita de transmettre son dossier à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le cas échéant selon la procédure prioritaire ;

Considérant que, dans ces conditions, l'arrêté du 2 mai 2013 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X est illégal et doit être annulé, ainsi que par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et la décision fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent jugement implique nécessairement que le préfet de l'Isère procède au réexamen de la situation administrative de M. X au regard des motifs de la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions en remboursement de frais :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : « L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge » ;

10. Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, à ce que l'Etat verse à Me Cans sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 2 mai 2013 du Préfet de L'Isère est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de M. X dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cans une somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. X et au Préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Jourdan, présidente,

Mme Triolet, premier conseiller,

Mme Picot, conseiller,

Lu en audience publique le 14 février 2014.

Le rapporteur,

F. Picot

La présidente,

D. Jourdan

Le greffier,

G. Morand

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.