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Vu la procédure suivante :
Dans sa requête et son mémoire en réplique enregistrés le 20 novembre 2013 et le 14 mai 2014, M. P demande au Tribunal :
1°) d’annuler la décision appliquée en 2013 par laquelle le président du Syndicat mixte du Lac d’Annecy a planifié par quinzaine la prise des journées de récupération compensant l’aménagement du temps de travail hebdomadaire ;
2°) d’annuler l’arrêté n° 2013-168 du 7 juin 2013 par lequel le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d’une journée, le 19 juin 2013, ensemble la décision du 20 septembre 2013 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) d’enjoindre le président du Syndicat mixte du Lac d’Annecy de lui restituer la retenue de salaire pratiquée en application de la sanction ;
4°) de mettre à la charge du Syndicat mixte du Lac d’Annecy une somme de 100 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. P soutient :
- qu’ayant acquitté le droit de timbre, sa requête est recevable ;
En ce qui concerne la décision par laquelle le président du Syndicat mixte du Lac d’Annecy a planifié la prise des journées de récupération en 2013 :
- que le comité technique paritaire n’a pas été consulté ;
- que l’auteur de la décision n’étant pas identifié, il ne justifie pas de sa compétence ;
En ce qui concerne la sanction disciplinaire :
- qu’il n’a pas commis de faute disciplinaire ;
- qu’elle est entachée de l’illégalité de la décision précédente sur laquelle repose le motif de la sanction tirée du défaut de consultation du comité technique paritaire ;
Dans son mémoire enregistré le 4 mars 2014, le syndicat mixte du Lac d’Annecy, représentée par Me Vignot, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. P une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat mixte du Lac d’Annecy fait valoir :
- que la requête, non timbrée, est irrecevable ;
- que les conclusions en injonction, étrangères au champ d’application des articles L. 911-1 ou L. 911-2 du code de justice administrative, sont irrecevables ;
- que la planification des journées d’ARTT et de globalisation par quinzaine est une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours contentieux ;
- subsidiairement, que cette mesure n’avait pas à être soumise au comité technique paritaire ;
- que l’exception d’illégalité de cette décision dirigée contre la sanction doit par conséquent être rejetée ;
- que le requérant était tenu d’appliquer les règles de l’établissement et notamment les jours de globalisation qui avaient été fixés par avance et dont il avait eu connaissance ; que ce manquement, qui constitue le motif de la décision, justifiait une sanction disciplinaire ;
- que la sanction qui lui est infligée est proportionnée par rapport au manquement de l’agent ;
Vu :
- les décisions attaquées et les autres pièces du dossier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 10 novembre 2015 :
- le rapport de Mme Letellier,
- et les conclusions de Mme Triolet, rapporteur public.
1. Considérant que M. P, adjoint technique territorial, est affecté au service de traitement des déchets du syndicat mixte du Lac d’Annecy ; que par arrêté du 7 juin 2013, lui a été infligée une exclusion temporaire de fonctions d’une journée pour n’avoir pas respecté les règles en vigueur au sein du syndicat en matière de congés et d’ARTT ; qu’il en demande l’annulation, ainsi que de la mesure par laquelle le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy a décidé, en 2013, que les jours de récupération compensant le temps de travail hebdomadaire seraient planifiés et fixés à raison d’une journée par quinzaine dans le service de traitements des déchets ;
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de timbre :
2. Considérant que M. P s’est acquitté du droit de timbre dû au titre de la contribution à l’aide juridique ; que, dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 411-2 du code de justice administrative, en vigueur lors de l’enregistrement de la requête, doit être écartée ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de planification des journées de récupération :
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’au titre de l’année 2013, le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy a décidé, d’une part, que les agents affectés au service du traitement des déchets, non soumis à astreinte mais à une obligation de service hebdomadaire de 40 heures, prendraient les jours de récupération décomptés en « journées d’ARTT » et « journées de globalisation » à raison d’une journée par quinzaine et, d’autre part, qu’à défaut de choix exprimé, la date du jour de récupération serait arrêtée d’office par l’autorité hiérarchique ;
4. Considérant que cette mesure limite les droits que les agents tiennent de leur statut et du règlement intérieur de l’établissement de consommer selon leur choix et sous réserve des contraintes d’organisation du service, les jours de congés qu’ils ont acquis en contrepartie de la réduction et de l’aménagement de leur temps de travail ; que, par suite, elle ne constitue pas une simple mesure d’organisation du service et est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que la fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée ;
5. Considérant qu’aux termes de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : « Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : 1° A l’organisation et au fonctionnement des services (…) » ; qu’en ce qu’elle planifie le rythme de présence et d’absence des agents participant à la collecte des déchets, la décision litigieuse prise par le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy en 2013 a pour objet l’organisation et le fonctionnement du service ; que, par suite, elle devait être soumise à la consultation préalable du comité technique paritaire compétent ; que l’avis de cette instance n’ayant pas été recueilli, ladite décision a méconnu l’article 33 précité de la loi du 26 janvier 1984 et doit être annulée, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête ;
Sur les conclusions en annulation de l’arrêté du 7 juin 2013 et du rejet du recours gracieux :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire (…) » ; que M. P a été exclu temporairement du service pour s’être rendu sur son lieu de travail, les 4 février et 13 mai 2013, journées de récupération qui lui avait été assignées d’office, afin de manifester son désaccord sur le régime des journées de récupération, alors en vigueur ;
7. Considérant que sous réserve qu’il ne perturbe pas le service, tout agent dispose librement de ses journées de récupération et ne désobéit pas à sa hiérarchie en les employant à manifester sa réprobation ; qu’il ressort des pièces du dossier, qu’après avoir fait ostensiblement acte de présence, M. P. s’est abstenu de participer à quelque activité que ce soit et n’a fait obstacle ni à ce que ses collègues accomplissent la leur ni à ce que ces journées lui soient décomptées ; que, par suite, les faits qui lui sont reprochés ne présentent pas le caractère d’une faute, au sens des dispositions précitées, et ne pouvaient donner lieu à l’application d’une sanction disciplinaire ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête, l’arrêté n° 2013-168 du 7 juin 2013 portant sanction d’exclusion temporaire de M. P. doit être annulé, ensemble la décision du 20 septembre 2013 rejetant le recours gracieux ;
Sur les conclusions en injonction :
9. Considérant que, contrairement à ce qu’allègue le syndicat mixte du Lac d’Annecy, les conclusions à fin d’injonction, telles que formulées dans la requête, relèvent de l’office du juge saisi du litige principal ; que l’annulation de la sanction du 7 juin 2013 implique nécessairement, par application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, qu’il soit enjoint au président du syndicat mixte du Lac d’Annecy de reconstituer la carrière de M. P pour la journée du 19 juin 2013 durant laquelle il a été exclu de ses fonctions en exécution de cette sanction ;
Sur les frais de justice :
10. Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat mixte du Lac d’Annecy une somme de 100 euros à verser à M. P au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées par le syndicat mixte du Lac d’Annecy, partie perdante, doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision par laquelle le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy a planifié, au titre de l’année 2013, par quinzaine la prise des journées de récupération des agents du service du traitement des déchets est annulée.
Article 2 : L’arrêté n° 2013-168 du 7 juin 2013 par lequel le président du syndicat mixte du Lac d’Annecy a infligé à M. P une exclusion de fonctions d’une journée est annulé, ensemble la décision du 20 septembre 2013 rejetant son recours gracieux.
Article 3 : Il est enjoint au président du syndicat mixte du Lac d’Annecy de reconstituer la carrière de M. P pour la journée du 19 juin 2013 durant laquelle il a été exclu de ses fonctions en exécution de la sanction du 7 juin 2013.
Article 4 : Le syndicat mixte du Lac d’Annecy versera à M. P une somme de 100 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte du Lac d’Annecy présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.