Annulation de la décision prise par le CHU de Grenoble modifiant les heures de service

Décision de justice
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

-

Vu la procédure suivante :

 

Par requête et mémoires, enregistrés le 20 juin 2013, le 10 juin 2015 et le 28 août 2015, le syndicat Sud Santé Sociaux de l’Isère, Mme A. et autres demandent au Tribunal :

 

1°) d’annuler la décision par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble a porté, à compter du 4 novembre 2013, les horaires de travail de 7h30 heures à 10 heures ou 12 heures continues en journée et à 12 heures continues en service de nuit dans les blocs opératoires des urgences, de la pédiatrie, de la cardiologie et de la gynécologie-obstétrique et de 7h30 heures à 10 heures continues dans les autres blocs opératoires ;

 

2°) de mettre à la charge du CHU de Grenoble une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Le syndicat Sud Santé Sociaux de l’Isère, Mme Véronique Artaud et autres soutiennent :

- que le CHU de Grenoble n’ayant pas communiqué, malgré leur demande expresse, la décision litigieuse, leur requête est recevable ;

- que la décision portant atteinte aux prérogatives des agents, leur fait grief ;

- que la requête est suffisamment motivée ;

 - que la décision n’ayant pas été publiée, les délais de recours n’ont pas couru ;

- que les dépassements d’horaire induits par la nouvelle organisation méconnaissent les dispositions de l’article 7 du décret du 4 janvier 2002, dès lors que la réorganisation des blocs opératoires ne repose pas sur des motifs de contrainte de continuité du service public ;

- que l’accord cadre sur l’organisation de la RTT au CHU de Grenoble et  l’article 10 de la note de service 2011-012 du 15 juin 2011, non abrogés, ont été méconnus ;

- que les motifs de la décision sont entachés d’erreur manifeste d’appréciation et d’inexactitude matérielle.

 

Dans ses mémoires enregistré le 29 avril 2014 et le 3 juillet 2015, le CHU de Grenoble, représenté par le cabinet Citylex Avocats, conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Le CHU de Grenoble fait valoir :

- que la requête est irrecevable faute de production de la décision attaquée et d’intérêt pour agir ; que la décision attaquée est une simple mesure d’organisation du service ; qu’en outre, la requête est dépourvue de moyens ;

 - que la décision n’est entachée d’aucun vice de procédure, seule la consultation du comité technique paritaire, recueillie en l’espèce, était obligatoire pour la mise en place de nouveaux horaires de travail ;

- que l’accord cadre et la note de service sont dépourvus de valeur réglementaire et sont conformes au décret du 4 janvier 2002 ;

- que la nouvelle organisation du travail mise en place n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation et ne méconnait pas l’article 7 du décret du 4 janvier 2002 dès lors que l’amplitude horaire ne dépasse pas douze heures ; qu’en outre, le temps de travail de douze heures est exclusivement diurne et ne comporte pas de temps de transmission.

 

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique, notamment son article L. 6143-7 ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.

 

Ont été entendu au cours de l’audience publique du 6 octobre 2015 :

- le rapport de Mme Letellier ;

- les conclusions de Mme Triolet ;

- les observations de Me Gauché, représentant les requérants ;

- et les observations de Me Beguide-Benoma, représentant le CHU de Grenoble ;

 

1. Considérant qu’à compter du 4 novembre 2013, le directeur général du CHU de Grenoble a mis en place dans l’ensemble des blocs opératoires un nouveau régime de vacations quotidiennes ; que par la présente requête, le syndicat Sud Santé Sociaux de l’Isère et                 49 infirmiers exerçant leurs fonctions au sein des blocs opératoires du CHU demandent l’annulation de ladite décision qui implique pour les personnels infirmiers qui y sont affectés le passage de la durée quotidienne de travail de 7h30 à 10 heures ou 12 heures, selon la catégorie du bloc opératoire d’affectation et la période du service ;

 

Sur les fins de non-recevoir opposée en défense :

 

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (…) » ; qu’il est constant que le nouvel horaire de travail a été mis en place dans les blocs opératoires à compter du 4 novembre 2013 ; qu’une telle décision, pour n’avoir pas été formalisée par l’autorité hiérarchique, n’en est pas moins effective et n’appelait de la part des requérants d’autres productions que la preuve de l’entrée en vigueur de ces horaires, ce dont ils se sont acquittés ; qu’ainsi, ils ont satisfait aux exigences des dispositions précitées ;  

 

3. Considérant que les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n’ont pas qualité pour attaquer les dispositions se rapportant à l’organisation ou à l’exécution du service sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d’emploi et de travail ; qu’il ressort des pièces du dossier que la nouvelle organisation repose sur des vacations opératoires en journée de neuf heures assorties d’une obligation de présence des agents portée de 7h30 à 10 heures en travail de jour et, dans les blocs fonctionnant 24h/24, de 7h30 à 10 heures ou 12 heures le jour et de 7h30 à 12 heures la nuit; que par suite, la nouvelle organisation mise en place au 4 novembre 2013 affecte les conditions de travail des agents et excède les effets d’une mesure d’ordre intérieur ; que, dès lors et d’une part, elle est susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et, d’autre part, elle porte atteinte tant à l’objet statutaire du syndicat Santé Sud Isère qu’à la situation des infirmiers affectés dans les blocs opératoires ;

 

4. Considérant qu’ainsi que l’attestent les visas du présent jugement, les requérants ont satisfait à l’obligation de motivation de leur requête prescrite par l’article R. 411-1 du code de justice administrative ; que les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées ;

 

Sur les conclusions à fin d’annulation :

 

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

 

6. Considérant qu’aux termes de l’article 7 du décret du 4 janvier 2002 susvisé : «  Les règles applicables à la durée quotidienne de travail, continue ou discontinue, sont les suivantes : 1° En cas de travail continu, la durée quotidienne de travail ne peut excéder 9 heures pour les équipes de jour, 10 heures pour les équipes de nuit. Toutefois lorsque les contraintes de continuité du service public l’exigent en permanence, le chef d’établissement peut, après avis du comité technique d’établissement, ou du comité technique, déroger à la durée quotidienne du travail fixée pour les agents en travail continu, sans que l’amplitude de la journée de travail ne puisse dépasser 12 heures » ;

 

7. Considérant que l’organisation du travail mise en place le 4 novembre 2013 dans les blocs opératoires du CHU de Grenoble comporte des journées de travail continues, s’étendant à 10 ou 12 heures en service de jour et 12 heures en service de nuit, qui dérogent à la durée quotidienne maximale de travail telle que fixée par les dispositions précitées ; que, pour justifier l’instauration d’un régime dérogatoire à ce plafond, le CHU de Grenoble soutient que la mesure a pour objet d’améliorer le taux d’occupation des salles opératoires ; qu’un tel motif, s’il est au nombre des objectifs que peut poursuivre l’administration en prenant toute mesure appropriée, est étranger aux contraintes permanentes de continuité du service public envisagées par l’article 7 du décret du 4 janvier 2002 qui, seules, permettent d’imposer aux agents une durée de travail quotidienne supérieure à 9 heures le jour et à 10 heures la nuit ; que, dans ces conditions, il ne peut légalement fonder un dépassement de la durée maximale horaire ;

 

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision du directeur général du CHU de Grenoble réorganisant, à compter du 4 novembre 2013, les horaires de travail dans les blocs opératoires doit être annulée ;

 

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761 du code de justice administrative :

 

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du CHU de Grenoble la somme de 1 000 euros à verser, ensemble, aux requérants ; qu’en revanche, les conclusions présentées par le CHU de Grenoble, partie perdante, doivent être rejetées ;

 

 

                                      D E C I D E :

 

 

Article 1er : La décision du directeur général du CHU de Grenoble réorganisant, à compter du      4 novembre 2013, les horaires de travail de 7h30 à 10 heures ou 12 heures en service de jour et de 7h30 à 12 heures en service de nuit dans les blocs opératoires des urgences, de la pédiatrie, de la cardiologie et de la gynécologie-obstétrique, et de 7h30 heures à 10 heures dans les autres blocs opératoiresest annulée.

 

Article 2 : Le CHU de Grenoble versera 1 000 euros, ensemble, au syndicat Sud Santé Sociaux de l’Isère, à Mme A. et autres, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.