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Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 octobre 2013 et le 16 octobre 2015, Cosnsort S demande au tribunal :
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à leur verser une somme globale de 33 399,68 euros en leur qualité d’ayant-droits de Mme C S ;
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à verser à chacun d’eux une somme de 6 000 euros au titre de leur préjudice d’affection ;
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à verser à chacun d’eux une somme de 2 500 euros en réparation de leurs souffrances ;
- de leur accorder le bénéfice des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2013 ;
- de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts S soutiennent que :
- le décès de Mme C S est la conséquence de fautes qui engagent la responsabilité du centre hospitalier,
- les souffrances endurées par la victime avant sont décès justifient une indemnité de 2 500 euros,
- la perte de chance de survie à hauteur de 40% doit être réparée par une somme de 24 000 euros,
- des frais funéraires ont été engagés pour 5 699,68 euros,
- ils ont droit au remboursement des honoraires de leur médecin-conseil pour 1 200 euros,
- la douleur morale qu’ils ont ressentie doit être indemnisée à hauteur de 2 500 euros, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un coefficient de perte de chance,
- le préjudice d’affection, compte tenu du taux de perte de chance, doit être évalué à 6 000 euros pour chacun d’eux.
Par un mémoire enregistré le 11 avril 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère demande le remboursement de ses prestations pour 5 619,34 euros et le versement de l’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2014, le centre hospitalier universitaire de Grenoble conclut :
- à la réduction des prétentions indemnitaires des requérants à évaluer sur la base d’un taux de perte de chance de 20%
- au rejet des prétentions de la caisse primaire d'assurance maladie et, à titre subsidiaire, à la réduction des sommes demandées.
Le centre hospitalier universitaire de Grenoble soutient que :
- le taux de perte de chance de survie ne saurait excéder 20%,
- l’indemnisation des souffrances de la défunte ne saurait excéder 300 euros après application du taux de perte de chance,
- les frais d’obsèques ne peuvent être réparés qu’à hauteur de 1 036,59 euros,
- le préjudice d’affection de chaque enfant ne saurait excéder 800 euros,
- les souffrances endurées par les enfants n’ont pas vocation à être indemnisées spécifiquement,
- les frais engagés par la CPAM ne sont pas en lien avec la faute.
Vu :
- la demande préalable et son accusé de réception ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Sogno,
- les conclusions de M. Lefebvre,
- et les observations de Me Reboul pour les requérants et de Me Roche pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble.
Considérant que Mme C S est décédée à l’âge de 78 ans le 31 janvier 2012 au centre hospitalier universitaire de Grenoble où elle avait été admise en urgence deux jours plus tôt ; que ses enfants, qui imputent ce décès à une faute commise par l’établissement de santé, demandent à être indemnisés des préjudices subis en conséquence ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu’alors qu’une échographie cardiaque réalisée le 30 janvier 2012 vers 16 heures, après que Mme S avait été retrouvée étouffante dans son lit, avait permis de mettre en évidence un infarctus du myocarde, la victime n’a été transférée dans le service de cardiologie seul à même de lui prodiguer des soins appropriés que le lendemain à 15 h 10, Mme S décédant pendant le transfert ; que ce retard de prise en charge adaptée constitue une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne la victime :
Considérant que le préjudice de « perte de chance de survie » dont les consorts S demandent réparation en leur qualité d’ayant-droits de leur mère n’est pas distinct de celui résultant du décès, lequel ne saurait ouvrir droit à réparation dans le chef du défunt ;
Considérant, en revanche, que le droit à réparation du préjudice résultant pour la victime des souffrances endurées constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers ; qu’à dires d’expert, les souffrances endurées par Mme S pendant les deux jours d’hospitalisation peuvent être évaluées à 2 sur une échelle de 7 ; qu’une indemnité globale de 2 000 euros à verser aux consorts S pourra justement réparer ce chef de préjudice qui est exclusivement imputable au retard fautif de prise en charge ;
En ce qui concerne le préjudice moral subi par les enfants de Mme S avant le décès :
Considérant que Mme C, Mme M, MM. D, M. S, présents lors de l’hospitalisation de leur mère, sont fondés à soutenir qu’ils ont connu des souffrances morales distinctes de leur préjudice d’affection du fait de la conscience de l’absence prolongée d’une prise en charge médicale adaptée ; qu’une somme de 500 euros doit être allouée à chacun en réparation de ces souffrances morales ; qu’en revanche ce chef de préjudice ne peut être retenu pour Mmes Lunghi et Ricci, restées en Italie et qui n’ont pas été témoins des conditions de l’hospitalisation ;
En ce qui concerne les préjudices des requérants consécutifs au décès :
Considérant que, compte tenu du risque d’échec inhérent à la coronographie suivie d’une dilatation coronaire qui aurait été l’acte médical approprié et de l’état de santé dégradé de Mme S qui souffrait de diabète insulinodépendant et d’hypertension et avait été victime à trois reprises d’accidents vasculaires cérébraux entre 2007 et 2009, le centre hospitalier universitaire de Grenoble doit être condamné à réparer les préjudices consécutifs à son décès dans une mesure limitée à 40% correspondant à dires d’expert, au taux de perte de chance de survie ;
S’agissant des demandes globales des requérants :
Considérant que les enfants de Mme S justifient de frais funéraires pour un montant de 5 700 euros dont il n’y a pas lieu de retrancher les modiques sommes correspondant aux frais de cérémonie, de publication et d’emblème religieux ; que compte tenu du taux de perte de chance de 40%, une somme de 2 280 euros leur est due à ce titre ;
Considérant que les consorts S justifient avoir recouru à l’assistance d’un médecin-conseil pour les besoins de leur cause ; que la dépense correspondante de 1 200 euros doit être prise en compte dans l’évaluation du préjudice au titre des frais divers, justifiant une indemnité de 480 euros au titre de la perte de chance ;
S’agissant du préjudice d’affection de chacun des requérants :
Considérant que le préjudice d’affection des enfants S pourra, en l’espèce, être justement évalué à 8 000 euros pour chacun d’eux, justifiant ainsi l’allocation d’une somme de 3 200 euros au titre de la perte de chance ;
En ce qui concerne les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère :
Considérant que les frais médicaux et d’hospitalisation dont la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère demande le remboursement pour un montant total de 5 619,34 euros auraient dû être engagés en tout état de cause et ne sont pas en lien avec la faute commise ; qu’elle n’est donc pas fondée à en demander le remboursement et ne peut prétendre en conséquence au bénéfice de l’indemnité prévue à l’article L. 376-1 1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire doit être condamné à verser la somme globale de 4 760 euros aux requérants pris dans leur ensemble ; , la somme de 3 700 euros à Mme C, à Mme Mastrodonato, à MM. D, M. S et la somme de 3 200 euros à Mmes L.et R.;
Sur les intérêts :
Considérant que les requérants ont droit aux intérêts des sommes mentionnées au point précédent à compter du 28 juin 2012, date de réception de leur demande préalable par le centre hospitalier universitaire de Grenoble ;
Sur les frais de procès :
Considérant, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Grenoble, partie perdante, les frais de l'expertise ordonnée en référé le 4 décembre 2012, taxés et liquidés à la somme de 800 euros par ordonnance du 5 juin 2013 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme globale de 1 200 euros à verser aux requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : | Le centre hospitalier universitaire de Grenoble est condamné à verser les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2012 : - 4 760 euros aux consorts S, - 3 700 euros à Mme C et la même somme à Mme M, à M. Dominique S, à M. Pascal Michel S et à M. André S, - 3 200 euros à Mme Let la même somme à Mme R.
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Article 2 : | Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Grenoble.
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Article 3 : | Les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère sont rejetées.
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Article 4 : | Le centre hospitalier universitaire de Grenoble versera aux requérants une somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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