Décharge des cotisations suplémentaires d'impôt sur les sociétés

Décision de justice
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Vu la procédure suivante :

 

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2013, la SARL Newtree, représentée
par Me Juan, demande au tribunal :

 

1°) de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés  ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ;

 

2°) de rétablir les résultats fiscaux déclarés au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007, 2008 et 2009 ;

 

3°) de mettre à la charge de l’Etat un montant qui sera indiqué en fin d’instance au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elle soutient que :

- elle disposait de comparables internes pertinents, qui valident la méthode du prix comparable sur le marché libre initialement retenue ;

- les prix d’achat à la société-mère étaient plus avantageux que ceux consentis à d’autres distributeurs, la filiale française ayant par ailleurs bénéficié d’un traitement plus favorable que les autres filiales du groupe ;

- l’absence d’une documentation formelle en matière de prix de transfert n’implique pas le rejet automatique de la méthode retenue ;

- l’administration fait une application erronée des principes directeurs de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert ;

- la méthode transactionnelle de la marge nette retenue par l’administration est contestable ;

- l’administration n’a pas tenu compte du contexte économique dans lequel elle évoluait ;

- l’administration n’établit pas que les sociétés retenues dans le panel de comparaison lui soit comparables, notamment du point de vue du chiffre d’affaires ou du positionnement de marché ;

- les analyses de l’administration fiscale belge établissent que la société-mère de droit belge a soutenu sa filiale française, et non pas qu’il y a eu surfacturation à cette dernière ;

- l’administration n’a pas suivi l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire.

 

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2013, le directeur départemental des finances publiques de l’Isère conclut au rejet de la requête.

 

Il fait valoir que :

- l’analyse fonctionnelle du groupe révèle que la société belge SA Newtree constitue l’entrepreneur principal ;

- la méthode du prix comparable sur le marché libre n’est pas pertinente, faute de comparables internes ;

- la méthode transactionnelle de la marge nette est apparue comme la méthode la plus pertinente au regard de l’analyse fonctionnelle réalisée ;

- la circonstance que la société requérante n’ait pas versée de redevance n’implique pas qu’elle a bénéficié de prix d’achats plus avantageux ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaire a confirmé la position de l’administration ;

- le document de l’administration belge n’est pas opposable à l’administration française.

 

 

Vu les autres pièces du dossier.

 

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

 

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertolo,

- les conclusions de M. Villard, rapporteur public,

- les observation de Me Juan, représentant la SARL Newtree.

 

 

 

 

1.             Considérant que la SARL Newtree a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration a procédé à la remise en cause des déficits déclarés au titre des exercices clos entre 2006 et 2009 et a notifié des redressements en matière d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2008 et 2009 ; que l’administration ayant rejeté sa réclamation préalable, la société requérante demande de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009,  et de rétablir les résultats fiscaux déclarés au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007, 2008 et 2009 ;

 

 

Sur le bien-fondé de l’imposition, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

 

2.             Considérant qu’aux termes de l’article 57 du code général des impôts, applicable à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. /  (…) A défaut d’éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. » ; que ces dispositions instituent, dès lors que l’administration établit l’existence d’un lien de dépendance et d’une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l’entreprise imposable en France qu’à charge, pour celle-ci, d’apporter la preuve que les avantages qu’elle a consentis ont été justifiés par l’obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation ;

 

  1. Considérant que l’administration a constaté au cours du contrôle de la SARL Newtree que celle-ci n’avait justifié d’aucune documentation relative aux prix de transfert, que sa marge brute baissait à partir de 2007 pour s’établir à 35,37% en 2009, et qu’elle présentait également des déficits récurrents difficilement compatibles avec le maintien de son activité ; que pour estimer que les prix d’achats de la société requérante auprès de la société belge SA Newtree étaient majorés et constituaient un transfert indirect de bénéfices, l’administration a dans un premier temps procédé à l’analyse fonctionnelle de la SARL Newtree, puis dans un second temps rejeté la méthode du prix comparable sur le marché libre (CUP) proposée par la société et fait application de la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN), à l’issue de laquelle elle a estimé que la marge accordée à la SARL Newtree ne lui permettait pas de couvrir ses dépenses et de lui assurer un bénéfice convenable compte tenu des fonctions assumées et des risques encourus ; qu’elle a, au terme de cette analyse comparative, retenu une marge d’exploitation médiane de 2,06% et a procédé à des rectifications portant sur les exercice 2006 à 2009, pour lesquels les marges dégagées par la société requérante étaient respectivement de -13%, -1,43%, -4.53% et -12,16% ;

  2. Considérant, d’une part, que pour déterminer la marge d’exploitation normale du secteur d’activité de la SARL Newtree, l’administration a, à l’issue de son analyse comparative, retenu vingt sociétés réputées comparables à la société requérante ; que la société requérante conteste la représentativité de l’échantillonnage des vingt entreprises précitées, aux motifs qu’elles ne présentent pas des caractéristiques comparables aux siennes, que certaines sociétés présentent des profils multimarques alors que la SARL Newtree se situe sur le marché du chocolat aux vertus bienfaisantes, que les sociétés retenues dans le panel ont une ancienneté de plus de vingt ans et un chiffre d’affaires supérieur au sien ; que l’examen des éléments présentés par l’administration révèle en effet que la plupart des sociétés retenues dans le panel interviennent dans des secteurs peu comparables avec la SARL Newtree, sans que l’administration établisse la pertinence de ces éléments de comparaison avec la situation de la SARL Newtree et du marché sur lequel elle intervient ; que si elle fait valoir en défense que l’essentiel de la comparaison repose sur la nature de l’activité, les fonctions et les risques pour la SARL Newtree, elle n’établit pas que le choix, à partir des codes NAF, d’activités de commerce de gros, permettrait une comparaison effectivement pertinente, dans la mesure où aucune analyse des fonctions et des risques des sociétés comparables retenues dans le panel n’a été réalisée ; que si l’administration fait valoir que le choix du niveau régional ou national des comparables n’a aucune importance puisque le marché pour ce type de produit est le même et les fonctions et risques des comparables similaires, elle ne l’établit nullement ni n’établit que les sociétés retenues sont structurellement et économiquement similaires ; que si l’administration ajoute en outre que les comparables retenus ont un volume d’activité proche et que des études ont démontré que le chiffre d’affaires n’avait que très peu d’impact sur le résultat d’une entreprise, elle ne l’établit pas davantage ; que d’autre part, les résultats de l’administration n’ont été corroborés ni par une autre méthode, ni par d’autres indicateurs que celui retenu initialement, alors qu’il résulte par ailleurs de l’instruction que si l’administration a dans un premier temps retenu le ratio rapportant le résultat d’exploitation au total des charges d’exploitation, dit « net cost plus », comme étant le plus adapté à l’analyse, elle a finalement retenu la marge d’exploitation dans ses calculs ;  que par suite, l’administration ne saurait être regardée comme ayant déterminé les produits imposables litigieux par comparaison avec ceux d’«entreprises similaires» au sens des dispositions précitées de l’article 57 du code général des impôts ;

  3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l’existence d’avantages consentis par la           SARL Newtree à la société belge SA Newtree, constitutifs d’un transfert de bénéfices au sens des dispositions de l’article 57 du code général des impôts ; que la société requérante est dès lors fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009,  ainsi que le rétablissement des résultats fiscaux déclarés au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007, 2008 et 2009 ;

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

  1. Considérant que les conclusions présentées par la SARL Newtree au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative n’ont pas été chiffrées ; qu’elles sont par suite irrecevables et ne peuvent donc qu’être rejetées ;

 

 

 

D E C I D E  :

 

 

 

Article 1er: La SARL Newtree est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

 

Article 2 : Les résultats fiscaux déclarés par la SARL Newtree au titre des exercices clos les 31 décembre 2006, 2007, 2008 et 2009 sont rétablis.

 

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.