Demande d'annulation d'une décision de licenciement prise par l'inspecteur du travail

Décision de justice
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N° 1202515

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Mme M

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Mme Triolet

Rapporteur

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M. Journé

Rapporteur public

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Audience du 8 novembre 2013

Lecture du 22 novembre 2013

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66-07-01

C+

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Grenoble

(7ème chambre)

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2012, présentée pour Mme M, par Me Clement-Cuzin ; Mme M demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 5 mars 2012 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de l'inspection du travail une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2012, présenté par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail (DIRECCTE) Rhône-Alpes, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2013, présenté pour M, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 5 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 15 mai 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2013, présenté par la DIRECCTE qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mai 2013, présenté par l'Université Stendhal, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, notamment son article 24 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Triolet,

- les conclusions de M. Journé,

- les observations de M. Miel pour l'Université Stendhal ;

Considérant que Mme M a été engagée par l'association « Comité de patronage des étudiants étrangers » (CPEE) le 1er avril 1989 en qualité d'enseignante avant d'être élue déléguée du personnel ; que par délibération du 4 novembre 2011, le conseil d'administration de l'Université Stendhal a décidé la reprise de l'activité d'enseignement français langue étrangère qui était gérée par le CPEE ; que Mme M a refusé le contrat de droit public proposé par l'Université ; que par la décision attaquée du 5 mars 2012, l'inspectrice du travail a autorisé l'Université à procéder à son licenciement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail : « Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. / En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat » ;

Considérant d'autre part, que le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ;

Considérant qu'à la suite de la modification du dernier alinéa de l'article précité par les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2009-972 susvisée, le refus du contrat public proposé ne nécessite plus l'engagement d'une procédure de licenciement par la personne publique mais entraîne « de plein droit » la rupture du précédent contrat ;

Considérant que par courrier du 12 décembre 2011, Mme M commence par indiquer qu'elle accepte le transfert tout en concluant que « trois clauses substantielles de [son] contrat [ayant] été modifiées » il lui est « impossible de signer un tel contrat en l'état » ; que ce courrier ne peut s'analyser que comme un refus de l'offre de contrat de droit public entraînant immédiatement la rupture du contrat de travail ; que, par suite, lorsqu'il a statué le 5 mars 2012 l'inspecteur du travail était tenu de se déclarer incompétent pour statuer sur cette demande, étant rappelé que l'appréciation de la teneur du contrat proposé qui concerne la cause de la rupture est de la compétence du juge judiciaire ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Mme M la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 5 mars 2012 est annulée en tant que l'inspecteur du travail ne s'est pas déclaré incompétent.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme M, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à l'Université Stendhal.

Copie en sera adressée à la DIRECCTE Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Gimenez, président,

Mme Triolet, premier conseiller,

Mme Picot, conseiller,

Lu en audience publique le 22 novembre 2013.

Le rapporteur,

A. Triolet

Le président,

G. Gimenez

Le greffier,

G. Morand

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.