Demande d'indemnisation suite à un licenciement par le centre hospitalier de Chambéry

Décision de justice
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Vu la procédure suivante :

 

Dans sa requête et son mémoire enregistrés le 11 septembre 2013 et le 26 mai 2014,    M. Renny Ngo représenté par Me Beraldin, demande au Tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

 

1°) de condamner le centre hospitalier de Chambéry à lui verser :

- la somme de 38 400 euros en indemnisation du préjudice matériel qu’il estime avoir subi ou, subsidiairement, la somme de 2 837,17 euros et l’indemnité de licenciement à laquelle il soutient avoir droit, outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013 ;

              - la somme de 1 500 euros en indemnisation de son préjudice moral ;

 

2°) d’enjoindre au directeur du centre hospitalier de Chambéry d’établir des bulletins de paie et un contrat de travail écrit dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;

 

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 2000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

 

M. Ngo soutient :

- qu’il a lié le contentieux ; que sa requête est recevable ;

- qu’il ne pouvait se voir reconnaître la qualité de vacataire ; que le décret du 29 octobre 1987 ne lui est pas applicable ;

- qu’exerçant ses fonctions d’enseignant à titre principal au sein de l’Institut de formation des soins infirmiers de la Savoie sur un emploi permanent, il était régi par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 ou du 6 février 1991 ; qu’en s’abstenant de le soumettre à un contrat de travail expresse et d’assortir ce contrat des droits y afférents, l’employeur a commis une faute qui engage sa responsabilité ;

- que le centre hospitalier devait lui appliquer le tarif horaire de 40,91 euros et non de 24,70 euros ;

- qu’en lui payant la correction de 91 copies au tarif de 5 euros l’unité, et non de 8 euros qui est le tarif en vigueur, il a subi un manque à gagner de 273 euros ;

- que le centre hospitalier a émis des bulletins de paie d’erreurs et d’omissions ;

- que le non renouvellement de son contrat est justifié par un motif étranger à l’intérêt du service ; qu’il doit être regardé comme un licenciement lui ouvrant droit à une indemnité ;

- que les conditions dans lesquelles il a été mis fin à ses fonctions lui causent un préjudice moral qui doit être indemnisé.

 

Par mémoires enregistrés le 17 janvier 2014 et le 24 décembre 2015, le centre hospitalier de Chambéry, représenté par le cabinet Liochon et Duraz, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. Ngo une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Le centre hospitalier de Chambéry fait valoir :

- que M. Ngo s’est présenté comme enseignant de l’université de Savoie ; qu’il a donc été rémunéré, à la vacation, au titre de l’exercice d’une activité accessoire, à raison de 142 heures qu’il a effectuées ;

- que le décret du 17 janvier 1986, qui régit les agents non titulaires de l’Etat, ne lui est pas applicable ; qu’il ne pouvait bénéficier d’un contrat de travail sur ce fondement ;  

- subsidiairement, que son contrat est à durée déterminée ;

 - que le tarif horaire et le tarif de la correction des copies dont il réclame l’application ne sont pas justifiés ; que le préjudice financier de 38 400 euros n’est pas justifié ; qu’il a été payé de l’intégralité de ses missions ;

- qu’il n’a subi aucun préjudice moral.

 

Par une décision en date du 4 novembre 2013 le président du bureau d’aide juridictionnelle a admis M. N. au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

 

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

-  la loin° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 5 janvier 2016 :

- le rapport de Mme Letellier,

- les conclusions de Mme Triolet, rapporteur public,

- les observations de Me Beraldin, représentant M. N. ;

- et les observations de Me N’Doye représentant le centre hospitalier de Chambéry.

 

1. Considérant que M. Ngo a été recruté par le centre hospitalier de Chambéry au début de l’année scolaire 2012-2013 pour dispenser, en moyenne, seize heures mensuels de cours d’anglais médical à l’Institut de formation en soins infirmiers de la Savoie ; que M. N. demande l’indemnisation de son préjudice financier tiré de son insuffisante rémunération et des conditions dans lesquelles il a été engagé, le versement d’une indemnité de licenciement et l’indemnisation de son préjudice moral ;

 

Sur les conclusions indemnitaires :

 

2. Considérant qu’il résulte de l’article L. 4311-7 du code de la santé publique que :      «  Pour l’obtention du diplôme d’Etat d’infirmier ou d’infirmière, les candidats ne peuvent être admis à subir les examens que s’ils ont accompli leur scolarité dans un institut de formation en soins infirmiers autorisé dans les conditions prévues à l’article L. 4383-3 (du code de la santépublique) » ;qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 4383-5 du même code : «  Les personnels des écoles et instituts relevant d’un établissement public de santé sont recrutés, gérés et rémunérés par cet établissement selon les dispositions de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (…) » ;qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 9 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : « Les emplois à temps non complet d’une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d’une durée indéterminée ou déterminée » ;qu’aux termes de l’article 4 du décret du 6 février 1991 susvisé : « Les agents sont recrutés par contrat écrit (…) » ; qu’aux termes de l’article 49 du décret du 6 février 1991 susvisé : « La rémunération servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d’un régime de prévoyance complémentaire effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires » ; qu’aux termes de l’article 50 du même décret : «  L’indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l’article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base » ;

 

3.  Considérant que l’anglais médical figurant au nombre des matières obligatoires du programme de formation des personnels infirmiers, le recrutement de M. N. répondait à un besoin permanent du service à temps non complet et n’a pu intervenir, en vertu de l’article         L. 4383-5 du code de la santé publique et de l’article 9 de la loi du 9 janvier 1986 combinés, que sous le régime d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée ; que dans la mesure où il ne résulte pas de l’instruction que les parties soient convenues d’un terme, celui-ci ne saurait se déduire de leur silence ; qu’il suit de là que le contrat de M. N. a été conclu à durée indéterminée ;

 

 

 

 

En ce qui concerne la rémunération :

 

4. Considérant qu’en exécution de son contrat, M. N. était rémunéré au tarif horaire de 24,70 euros fixé par référence à l’indice majoré 493 du 7ème échelon de la grille des professeurs certifiés, pour ses 158 heures de service ; que, d’une part, en se bornant à alléguer que devait lui être appliquée une rémunération horaire de 40,91 euros, il n’établit pas en quoi les conditions de son engagement, qui viennent d’être rappelées, auraient été méconnues et lui auraient donné vocation à percevoir une rémunération supérieure à celle qui lui a été allouée ; que, d’autre part, le tarif horaire de 24,70 euros rémunérait l’intégralité des prestations entrant dans ses fonctions et qui comprenaient l’enseignement, les corrections et les participation aux réunions de service ; que, par suite, les conclusions tendant au versement d’une rémunération supplémentaire pour les corrections de copies doivent être rejetées ;

 

En ce qui concerne l’indemnité de licenciement :

         

5. Considérant que M. N. ayant été engagé par contrat à durée indéterminée, ainsi qu’il est dit au considérant 3, la décision du 11 juillet 2013 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Chambéry a mis fin à son enseignement à compter de la rentrée scolaire de 2013 est constitutive d’un licenciement ouvrant droit à une indemnité ; qu’il y a lieu d’entrer en voie de condamnation du centre hospitalier de Chambéry ;

 

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la dernière rémunération nette de         M. N. s’est s’élevée à 557,59 euros ; qu’en application des dispositions combinées des articles 49 et 50 précités du décret du 6 février 1991, l’indemnité de licenciement doit correspondre à la moitié de la somme de 557,59 euros, soit 278,80 euros, dès lors qu’il n’a accompli qu’une année de service ; que, par suite, le centre hospitalier de Chambéry doit être condamné à verser cette somme à M. N. ; qu’en application de l’article 1153 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2013, date d’enregistrement de la requête valant première sommation de payer, faute d’élément permettant d’établir une date antérieure ;

 

En ce qui concerne le préjudice moral :

 

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’il a été mis fin aux fonctions de M. N. en représailles à sa demande de régularisation de sa situation contractuelle et en dehors de tout motif tiré de l’intérêt du service ou de la manière de servir ; que de cette éviction vexatoire est résulté un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l’évaluant à 1 500 euros ; que le centre hospitalier de Chambéry doit être condamné de ce chef à verser ladite somme à     M. N. ;

 

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

 

8. Considérant que le présent jugement qui détermine les stipulations contractuelles auxquelles M. N. était soumis lorsqu’il exerçait ses fonctions à l’Institut de formation des soins infirmiers de la Savoie n’implique pas qu’il soit enjoint au directeur du centre hospitalier de Chambéry de rectifier les bulletins de salaire, ni qu’il établisse un contrat de travail écrit ; que les conclusions à fin d’injonction présentées par M. N. doivent, par suite, être rejetées ;

 

 

 

Sur les conclusions présentées en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

 

9. Considérant qu’aux termes de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2014 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie (…) qui perd son procès (…) à payer à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu’il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l’Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. / Si  l’avocat du bénéficiaire de l’aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat. S’il n’en recouvre qu’une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l’Etat » ; que M. N. ayant été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle, il y a lieu, en application de ces dispositions et dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry une somme de 1 000 euros à verser à Me Beraldin au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens ;

 

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier de Chambéry, partie perdante ; que ces conclusions doivent être rejetées ;

 

 

D E C I D E :

 

 

Article 1er : Le centre hospitalier de Chambéry est condamné à verser à M. N. la somme de 1 778,80 euros qui portera intérêts au taux légal, à concurrence de 278,80 euros, à compter du    11 septembre 2013.

 

Article 2 : Le centre hospitalier de Chambéry versera à Me Beraldin la somme de 1 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

 

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.