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Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2012, présentée pour la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique, par Me Gautier ; la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique et autres demandent au Tribunal :
1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Chamonix-Mont-Blanc a rejeté leur demande présentée le 2 août 2012 tendant à la suppression d’une « zone H » du plan local d’urbanisme ;
2°) d’enjoindre au maire de Chamonix-Mont-Blanc de mettre fin à l’illégalité du plan local d’urbanisme de la commune dans un délai de trois mois ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- la disposition interdisant tout changement d’activité à certains établissements hôteliers est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
- la disposition contestée porte atteinte au principe d’égalité ; elle porte aussi atteinte aux dispositions de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme ;
- la disposition contestée porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ;
Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 6 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2014, présenté pour la commune de Chamonix-Mont-Blanc par Me Poncin, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que les requérantes ne justifient ni d’un intérêt à agir ni de leur qualité pour agir ;
- aucun des moyens soulevés par les requérantes n’est fondé ;
Vu l’ordonnance en date du 26 juin 2014 portant réouverture de l’instruction et fixant sa clôture au 30 septembre 2014, en application des dispositions des articles R. 613-1, R. 613-3 et R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 29 septembre 2014, présenté pour la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique et autres, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2015 :
- le rapport de M. Roche, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Bailleul, rapporteur public ;
- les observations de Me Gautier, pour les requérantes ;
- et les observations de Me Poncin, pour la commune de Chamonix-Mont-Blanc ;
1. Considérant que la commune de Chamonix-Mont-Blanc a prescrit une révision de son plan local d’urbanisme au mois de novembre 2010 ; que les requérantes ont présenté un recours gracieux le 2 août 2012 tendant à la suppression d’une disposition, introduite antérieurement à cette révision, lors de l’adoption du projet de plan local d’urbanisme par délibération du 14 septembre 2005, interdisant le changement de destination des bâtiments hôteliers faisant l’objet d’un marquage « H » sur les documents graphiques, selon une liste établie lorsque le projet de plan local d’urbanisme a été arrêté en novembre 2003 ; que les établissements concernés sont des hôtels classés conformément aux procédures définies par le code de tourisme et présentant une capacité d’hébergement strictement supérieure à vingt chambres ; que ce recours gracieux a été rejeté par une décision implicite née du silence conservé par le maire ; que les requérantes demandent l’annulation de cette décision implicite de rejet ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune :
En ce qui concerne l’intérêt à agir de la Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique et de la chambre syndicale hôtelière de la vallée de Chamonix :
2. Considérant qu’aux termes des statut de la F.A.G.I.H.T. versés au dossier, l’objet de celle-ci est « - la défense des intérêts professionnels appartenant à la branche des hôtels, cafés, restaurants, débits de boissons et discothèques tant au plan national qu’au plan européen et international ; - l’étude de toutes les problématiques, notamment techniques, économiques, sociales, inhérentes à l’industrie hôtelière ; - les études promotionnelles ; - l’obtention d’une politique touristique nationale et européenne efficace et favorable au développement et à la préservation du tourisme de séjour ; - toute question susceptible d’intéresser le secteur des hôtels, cafés, restaurants, débits de boissons et discothèques » ; qu’eu égard à l’objet ainsi défini de la fédération requérante, celle-ci ne justifie pas d’un intérêt suffisamment direct pour lui donner qualité à agir contre la décision du maire de Chamonix-Mont-Blanc refusant de donner suite à la demande tendant à supprimer la disposition du règlement du plan local d’urbanisme contestée ; que, par ailleurs, les statuts de Chambre syndicale hôtelière de la vallée de Chamonix produits au dossier précisent que celle-ci a pour but « - d’étudier en commun tout ce qui peut aider à la prospérité de l’industrie hôtelière ; - d’accepter et au besoin de provoquer toutes les occasions où une activité collective peut être utile à cette prospérité et aux intérêts des saisons de Chamonix ; - de veiller à la défense des intérêts généraux de la corporation ; - de se grouper pour contracter sous toutes formes des achats en commun » ; qu’il en ressort que, nonobstant la circonstance que la disposition en cause a pour objectif le maintien de l’activité hôtelière dans certains bâtiments, eu égard à son objet statutaire tendant essentiellement à la protection des hôtels existants, étranger à des considérations d’urbanisme, la chambre syndicale requérante ne justifie pas, en l’espèce, d’un intérêt suffisant pour lui donner qualité à agir contre la décision attaquée ; que, dès lors, cette fin de non-recevoir sera accueillie ;
En ce qui concerne la qualité pour agir et l’intérêt à agir des sociétés hôtelières :
3. Considérant, d’une part, que les sociétés requérantes sont des SARL légalement représentées par leur gérant, des sociétés par actions simplifiées légalement représentées par leur président ou, pour l’une d’elle, un établissement exploité en nom propre, représenté par son exploitant justifiant de sa qualité pour agir ; que ces sociétés hôtelières sont ainsi représentées par des personnes ayant qualité pour agir ; que, d’autre part, l’objet social des sociétés requérantes est l’exploitation d’une activité hôtelière à Chamonix-Mont-Blanc et que la disposition contestée a pour effet de limiter leurs perspectives d’évolution et d’instituer une règle différente entre les hôtels de la commune ; que, dès lors, ces sociétés disposent d’un intérêt suffisamment direct pour contester cette disposition règlementaire ; que, par suite, ces fins de non-recevoir seront écartées ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête est recevable en tant qu’elle est présentée par les sociétés hôtelières susmentionnées ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
5. Considérant qu’en vertu du 1° de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, les plans locaux d’urbanisme peuvent définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ; que l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dispose que les règles qu’il édicte « peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l’habitation, à l’hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l’artisanat, à l’industrie, à l’exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d’entrepôt » ; que s’il est loisible aux auteurs des plans locaux d’urbanisme de préciser, pour des motifs d’urbanisme et sous le contrôle du juge, le contenu des catégories énumérées à l’article R. 123-9, les dispositions de cet article ne leur permettent, toutefois, ni de créer de nouvelles catégories de destination pour lesquelles seraient prévues des règles spécifiques, ni de soumettre certains des locaux relevant de l’une des catégories qu’il énumère aux règles applicables à une autre catégorie ;
6. Considérant que la disposition contestée précise que, en zone U, est interdite « toute activité autre que l’hébergement hôtelier, le cas échéant accompagné de commerces en rez-de-chaussée, pour les immeubles repérés par le symbole « H » sur les documents graphiques » ; que, par conséquent, les hôtels concernés se voient appliquer, outre les règles de la zone U dans laquelle ils se trouvent, la règle en litige ; que les autres hôtels, qui ne sont pas repérés par le symbole « H » sur les documents graphiques, ne sont pas soumis à cette règle restrictive au sein de la même zone ; que, dans ces conditions, la disposition règlementaire contestée est contraire aux dispositions de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dont la méconnaissance est invoquée par les requérantes ; que, par suite, la décision implicite attaquée, par laquelle le maire a opposé aux requérantes un refus d’abrogation de cette disposition doit être annulée ;
7. Considérant que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n’est susceptible, en l’état du dossier, de fonder l’annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
8. Considérant que l’annulation de la décision attaquée implique d’enjoindre au maire de la commune de Chamonix-Mont-Blanc de saisir le conseil municipal d’une demande d’abrogation de la disposition interdisant tout changement de destination aux établissements hôteliers repérés par un symbole « H » sur les documents graphiques ; qu’il doit être enjoint au maire de procéder à cette saisine dans un délai de trois mois ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérantes, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Chamonix-Mont-Blanc demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Chamonix-Mont-Blanc la somme demandée par les requérantes à ce titre ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision attaquée est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Chamonix-Mont-Blanc de saisir le conseil municipal, dans un délai de trois mois, d’une demande d’abrogation de la disposition interdisant tout changement de destination aux établissements hôteliers repérés par un symbole « H » sur les documents graphiques.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.