Demande l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet lui a refusé sa régularisation, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai...

Décision de justice
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Vu la requête enregistrée le 23 décembre 2014, présentée pour Mme X, par Me Huard ;

 

Mme X demande au Tribunal :

 

1°) d’annuler l’arrêté n° 2014-CG 408 du 2 décembre 2014 par lequel le préfet de l’Isère a refusé de régulariser son droit au séjour, l’a obligée à quitter le territoire français sans délai, a prescrit son renvoi dans le pays dont elle a la nationalité et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français à son encontre pendant une durée d’un an ;

 

2°) d’enjoindre au préfet de l’Isère de lui délivrer une carte de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande dans le délai d’un mois et après remise sous huitaine d’une autorisation provisoire de séjour ;  

 

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

 

Mme X  soutient :

- que l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; que l’arrêté est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

- qu’elle justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pour prétendre à la régularisation de son séjour ;

- que l’illégalité de la décision refusant le droit au séjour entraîne, par voie de conséquence, celle des autres mesures d’éloignement ;

- que les mesures d’éloignement méconnaissent les stipulations de l’article 8 de la convention européenne et sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation ;

- qu’ayant déposé un recours contentieux contre la précédente mesure d’éloignement, elle ne peut être regardée comme s’étant soustraite à l’exécution de cette mesure ; qu’ainsi le préfet ne pouvait prendre une décision la privant de tout délai de départ volontaire sans méconnaître le II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que la décision est, en outre, disproportionnée ;

- que l’interdiction de retour sur le territoire français est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

 

Vu le mémoire enregistré le 11 mars 2015 par lequel le préfet de l’Isère conclut au rejet de la requête ;

 

Le préfet de l’Isère fait valoir :

- que l’arrêté attaqué est suffisamment motivé ;

- que son séjour en France est très récent, qu’elle n’a aucune attache en France et ne fait part d’aucune intégration en dehors de la scolarisation de ses enfants qui peut se poursuivre en Russie ; qu’aucune atteinte n’a été portée à sa vie privée et familiale ;

- que pour les mêmes motifs, l’arrêté n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation ;

- qu’au vu des arguments invoqués, elle ne peut prétendre à la régularisation de son séjour ;

- que le moyen tiré de l’exception d’illégalité doit être écarté en toutes ses branches ;

- qu’ayant fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement, elle pouvait être privée d’un délai de départ volontaire ; qu’en tout état de cause, sa nouvelle demande de titre a été présentée à l’expiration du délai de trente jours de la précédente mesure ;

- qu’elle pouvait faire l’objet d’une interdiction de retour sans que la mesure ne soit entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

 

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

 

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

 

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle du 2 mars 2015, admettant Mme Khalimat X au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ;

 

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience, en application de l’article R.776-13 du code de justice administrative ;

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 mars 2015, le rapport de Mme Letellier et les observations de M. Huard, pour Mme X ;

 

Sur les conclusions à fin d’annulation et d’injonction :

 

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « I - L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (…) lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants : (…) 3° Si la délivrance (…) d’un titre de séjour a été refusé (…) / (…) / L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office. II – Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification (…) Toutefois, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (…) 3° S’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (…) d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement  (…) III – L’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français (…) / Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification (…) / L’interdiction de retour et sa durée sont décidées par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français (…) » ;

 

2. Considérant que Mme X, ressortissante russe née en 1983, est entrée en France avec ses deux enfants mineurs, le 25 juin 2012, selon ses propres allégations ; que sa demande d’asile a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d’asile, le 14 février 2014 ; que, par arrêté du 8 avril 2014, confirmé par le tribunal de céans, le préfet de l’Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé son éloignement ; que le 11 juin 2014, l’intéressée a demandé la régularisation de son séjour ; que par l’arrêté attaqué, le préfet de l’Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pendant une durée d’un an ;

 

En ce qui concerne le refus de régularisation et l’obligation de quitter le territoire :

 

3. Considérant que l’exigence de motivation instituée par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée s’applique à l’énoncé des seuls motifs sur lesquels l’administration entend faire reposer sa décision ; qu’il suit de là que le refus de titre n’est pas entaché d’un défaut de motivation pour ne pas comporter le rappel de circonstances de fait sur lesquelles le préfet de l’Isère ne s’est pas fondé ;

 

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « ( …) la carte de séjour temporaire (…) peut être délivrée (…) à l’étranger (…)  dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir (…) » ; que la circonstance que les enfants de l’intéressée seraient empêchés de suivre dans le pays d’origine une scolarité dans un alphabet qu’ils ne connaissent pas n’est pas de nature à établir une nécessité impérieuse de séjourner en France, constitutive de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées ;

 

5. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) » ; que le séjour en France de Mme X est récent ; qu’elle n’établit pas y disposer d’attaches personnelles alors qu’elle a vécu jusqu’à l’âge de vingt-neuf ans en Russie ; qu’elle ne justifie d’aucune intégration en France ; que rien ne fait donc obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue hors du territoire français ; que, par suite, l’intéressée n’est pas fondée à soutenir que la décision en litige a porté à son droit à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît ainsi les dispositions précitées ; que, par les mêmes motifs, la décision attaquée n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation ;  

 

6. Considérant que l’exception d’illégalité du titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’erreur manifeste d’appréciation, directement invoqués contre l’obligation de quitter le territoire, doivent être écartés par les motifs exposés au considérant 5 ;

 

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire et l’interdiction de retour :

 

7. Considérant qu’aux termes du I de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire (…) peut, dans le délai de trente jours, suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision (…) » et qu’aux termes de l’article L. 512-3 du même code : « L’obligation de quitter le territoire français ne peut faire l’objet d’une exécution d’office ni avant l’expiration du délai de départ volontaire (…) ni avant que le tribunal administratif n’ait statué s’il a été saisi (…) » ; que tout recours présenté contre une décision d’éloignement du territoire avec délai de départ volontaire ayant pour effet, en vertu des dispositions précitées, de suspendre l’exécution de ladite mesure, le ressortissant étranger qui en ait l’objet ne peut être regardé comme s’y étant soustrait si, à la date de la nouvelle décision d’éloignement sans délai de départ volontaire, le recours qu’il avait valablement formé contre la décision lui accordant un délai de départ était toujours pendant devant la juridiction de première instance ou si, la décision initiale étant devenue ou redevenue exécutoire, le délai de départ volontaire n’était pas expiré lorsqu’intervient la seconde mesure d’éloignement sans délai ;

 

8. Considérant qu’au 2 décembre 2014, date de la décision d’éloignement attaquée refusant tout délai de départ volontaire, le recours qu’avait présenté Mme X contre l’arrêté du 8 avril 2014 l’obligeant à quitter le territoire français dans le délai d’un mois avait été rejeté par jugement du Tribunal, lu le 12 novembre 2014 ; que si la décision d’éloignement avec délai de départ volontaire était redevenue exécutoire à la même date, le délai de trente jours imparti pour quitter le territoire volontairement n’était pas encore expiré ; qu’il suit de là que Mme X ne pouvait pas être regardée, au 2 décembre 2014, comme s’étant soustraite à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement au sens du II 3° d) de l’article L. 511-1 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que le préfet de l’Isère n’a pu, sans méconnaître ces dispositions lui refuser tout délai de départ volontaire par l’arrêté attaqué ; que cette décision doit être annulée ;

 

 9. Considérant que le quatrième aliéna précité du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sur lequel s’est fondé exclusivement le préfet de l’Isère, ne permet de prescrire une interdiction de retour qu’aux étrangers relevant d’une mesure d’éloignement sans délai ; que Mme X n’ayant pu légalement faire, au       2 décembre 2014, l’objet d’une telle mesure ainsi qu’il est dit au considérant 8, l’interdiction de retour sur le territoire d’un an qui la frappe doit être annulée par voie de conséquence ;

 

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté n° 2014-CG-08 du 2 décembre 2014 en ce qu’il lui refuse tout délai de départ volontaire et lui prescrit une interdiction de retour sur le territoire d’un an ; que le surplus des conclusions d’annulation doit être rejeté ; que dans la mesure où le présent jugement n’implique de la part de l’administration aucune mesure d’exécution, les conclusions à fins d’injonction et d’astreinte de la requête doivent être rejetées ;

 

Sur la prise en charge des frais de l’instance non compris dans les dépens :

 

11. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions que Mme X présente sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ;

 

 

 

D E C I D E :

 

 

 

Article 1er : L’arrêté n° 2014-CG 408 pris par le préfet de l’Isère, le 2 décembre 2014, est annulé en ce qu’il refuse à Mme X tout délai de départ volontaire et lui prescrit une interdiction de retour sur le territoire d’un an. 

 

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.