DUP – Centre des congrès Annecy - N°1606342

Décision de justice
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Le juge des référés suspend la déclaration d'utilité publique du centre de congrès d'Annecy en retenant l'existence d'un doute sérieux sur l'utilité publique du projet et sur le respect de la loi Littoral.

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2016 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2016, l’association Les amis de la Terre en Haute-Savoie, la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Haute-Savoie (FRAPNA 74) et l’association Lac d’Annecy environnement, représentées par MeF..., demandent au juge des référés :

- sur le fondement de l’article L. 123-16 du code de l'environnement, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 12 septembre 2016 et de l’arrêté complétif du 19 septembre 2016 du préfet de la Haute-Savoie portant déclaration d’utilité publique du projet de création d’un centre d’expositions, de séminaires et de congrès sur les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux et emportant mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme de ces communes ;

- de condamner l’Etat au versement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article      L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Les requérantes soutiennent que :

- ces arrêtés méconnaissent les articles L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 121-1 IV du code de l'environnement pour ne pas avoir fixé les mesures compensatoires à la charge du porteur du projet : 1) cette carence ne peut être suppléée par les mesures préconisées par l’étude d’impact, 2) le fait que le maître d’ouvrage se serait volontairement soumis à une étude d’impact ne dispensait pas le préfet de fixer les mesures compensatoires, 3) ces mesures n’ont pas été fixées par l’arrêté ;

- l’article L. 121-13, alinéas 1 et 2 du code de l'urbanisme a été méconnu : 1) l’arrêté autorise une extension de l’urbanisation, 2) celle-ci n’est pas une urbanisation limitée, 3) l’éventuelle conformité au SCoT ne permet pas de déduire que cette extension sera limitée ;

- le projet est dépourvu d’utilité publique ;

- il n’existe pas d’atteinte particulièrement grave à l’intérêt général qui permettrait de rejeter la demande de suspension.

 

Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que :

- la déclaration d’utilité publique n’a pour objet que de permettre l’acquisition des terrains et c’est au stade du permis de construire que seront examinés les griefs des requérantes ;

- l’arrêté n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;

- la déclaration d’utilité publique ne constitue pas une extension de l’urbanisation ;

- en tout état de cause, ce ne serait qu’une extension limitée et le plan local d’urbanisme d’Annecy-le-Vieux justifie et motive la réalisation du centre de congrès.

 

Par des mémoires enregistrés les 25 et 28 novembre 2016, les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux, représentées par MeD..., concluent :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation des requérantes à leur verser à chacune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

 

Elles font valoir que :

- les requérantes sont dépourvues d’intérêt pour agir ;

- la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme ;

- l’autorité environnementale a été saisie ;

- en l’absence d’effets négatifs notables, le projet n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;

- il n’existe pas d’extension de l’urbanisation puisque le projet se situe au sein d’une zone déjà urbanisée ;

- le projet est prévu par le SCoT qui est compatible avec la loi Littoral ;

- en tout état de cause, le projet est justifié et motivé et répond au critère d’extension limitée ;

- le projet est d’utilité publique.

 

Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2016, la communauté de l’agglomération d’Annecy représentée par Me D...et MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation des requérantes à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

 

Elle fait valoir que :

- les requérantes sont dépourvues d’intérêt pour agir ;

- la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme ;

- l’étude d’impact n’était pas requise ;

- en l’absence d’effets négatifs notables, le projet n’avait pas à définir des mesures compensatoires ;

- le projet est d’utilité publique.

 

 

 

Vu :

- la requête en annulation enregistrée sous le n° 1606341,

- les autres pièces du dossier,

- le code de l'environnement,

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative,

- la décision du 1er septembre 2014 du président du Tribunal désignant M. B...comme juge des référés.

 

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.

 

Au cours de l’audience publique du 28 novembre 2016 à 10 heures, le juge des référés :

- a informé les parties de son intention de ne déclarer la requête recevable qu’en tant qu’elle émane de la FRAPNA 74, seule à avoir introduit un recours en annulation ;

- a entendu les observations de Me F...pour les requérantes, de MM.G..., A...et E...pour le préfet de la Haute-Savoie, de Me C...et de Me D...pour les communes d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux et pour la communauté de l’agglomération d’Annecy.

 

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

 

Les requérantes ont produit une note en délibéré le 28 novembre 2016.

 

 

1. Considérant que le premier alinéa de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, auquel renvoie l’article L. 554-12 du code de justice administrative, dispose que « le juge administratif des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci » ;

 

Sur la recevabilité du recours :

 

Quant à la recevabilité des associations Les amis de la Terre en Haute-Savoie et Lac d’Annecy environnement ;

 

2. Considérant que contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, le législateur n’a pas, par le régime spécifique de l’article L. 123-12 du code de l'environnement, écarté l’exigence d’un recours en annulation posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative dès lors que, dans le cas contraire, le juge des référés pourrait être amené à prononcer une mesure de suspension qui aurait le caractère d’une mesure définitive et non provisoire comme le prévoit l’article L. 511-1 du même code ; qu’il s’ensuit que les associations Les amis de la Terre en Haute-Savoie et Lac d’Annecy environnement qui n’ont pas présenté de recours en annulation, ne sont pas recevables à demander la suspension des arrêtés attaqués ;

 

Quant à l’intérêt pour agir de la FRAPNA 74 :

 

3. Considérant que la FRAPNA 74, association agréée pour la protection de l’environnement dans le cadre départemental et qui a pour but « la  défense   et   la   protection  des   sites,   la  sauvegarde  de l'environnement, et de manière générale du  milieu naturel et  de la  flore  et de la  faune  qu'il abrite en Haute-Savoie » dispose d’un intérêt pour agir à l’encontre des arrêtés en litige qui s’inscrivent dans le cadre de la réalisation d’un projet d’aménagement d’un complexe de près de 10 000 m² sur la presqu’île d’Albigny, à proximité immédiate du rivage du lac d’Annecy ; que ni la qualité architecturale et paysagère du projet, ni la circonstance invoquée en défense qu’il participe à la valorisation et à l’accessibilité au public du site ne sont de nature à retirer à la FRAPNA 74 cet intérêt pour agir ; que la fin de non-recevoir opposée de ce chef doit donc être écartée ;

 

Quant à la recevabilité de la demande de suspension des arrêtés en tant qu’ils emportent mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux :

 

4. Considérant que la commission d’enquête ayant rendu des conclusions défavorables à la déclaration d’utilité publique, le recours de la FRAPNA 74 présenté sur le fondement de l’article L. 123-12 du code de l'environnement est recevable y compris en tant qu’il porte sur la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme d’Annecy et d’Annecy-le-Vieux  qui n’en est que la conséquence et ce, même si la commission d’enquête a rendu un avis favorable à la mise en compatibilité alors même qu’un des motifs de l’avis négatif concernant la déclaration d’utilité publique était le non-respect des dispositions de la loi littoral ;

 

Sur la demande de suspension :

5. Considérant qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de ce que les arrêtés autorisent une extension de l’urbanisation en violation de l’article L. 121-13 alinéas 1 et 2 du code de l'urbanisme est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés attaqués ; que présente ce même caractère celui tiré de l’absence d’utilité publique de l’opération ; qu’en conséquence doit être ordonnée la suspension de l’exécution des arrêtés attaqués dès lors qu’il n’existe pas d’atteinte particulièrement grave à l’intérêt général qui s’y opposerait ;

Sur les frais de procès :

 

6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune d’Annecy, la commune d’Annecy-le-Vieux et la communauté de l’agglomération d’Annecy doivent dès lors être rejetées ;

 

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros à verser à la FRAPNA 74 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

O R D O N N E

 

 

Article 1er :

L’exécution des arrêtés du 12 et 19 septembre 2016 est suspendue.

 

Article 2 :

L’Etat versera à la FRAPNA 74  une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 :

La présente ordonnance sera notifiée à l’association Les amis de la Terre en Haute-Savoie, à la fédération Rhône-Alpes de protection de la nature de la Haute-Savoie (FRAPNA 74), à l’association Lac d’Annecy environnement, au ministre de l’intérieur, à la commune d'Annecy, à la commune d'Annecy-le-Vieux et à la communauté d’agglomération d’Annecy.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.