Réduction d'impôts au titre des années 2003 et 2004

Décision de justice
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-

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

 

 

1003243

___________

 

M. et Mme R.

___________

 

M. Villard

Rapporteur

___________

 

Mme Holzem

Rapporteur public

___________

 

Audience du 27 février 2014

Lecture du 27 mars 2014

___________

 

 

 

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

 

 

Le Tribunal administratif de Grenoble

 

(4ème Chambre)

 

 

 

19-01-03-01-02-03

19-04-01-02-03-04

C+

 

 

 

 

 

Vu la requête, enregistrée le 22 juillet 2010, présentée pour M. et Mme R, par Me Tournoud ; M. et Mme R demandent au tribunal ;

 

1°) de leur accorder la réduction des  compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 ;

 

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

 

…………………………………………………………………………………………….

 

Vu la décision par laquelle le directeur des services fiscaux de l'Isère a statué sur la réclamation ;

 

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2011, présenté par le directeur des services fiscaux de l'Isère ;

 

…………………………………………………………………………………………….

 

Vu la lettre d’information adressée le 4 octobre 2013 aux parties, en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

 

Vu le mémoire, enregistré le 10 janvier 2014, présenté pour M. et Mme R, qui maintiennent leurs conclusions à fins de réduction par les mêmes moyens ;

…………………………………………………………………………………………….

 

Vu l’avis d’audience en date du 30 janvier 2014 mentionnant la clôture immédiate de l'instruction à la date d’émission de cet avis, en application du 3e alinéa de l’article R. 613-2 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

 

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

 

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

 

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2014 :

 

- le rapport de M. Villard, rapporteur ;

 

-          les conclusions de Mme Holzem, rapporteur public ;

 

-          les observations de Me Tournoud pour M. R;

 

Vu la note en délibéré enregistré le 1er mars 2014 pour M. R;

 

 

1.      Considérant qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la société PLI, où M. R exerçait les fonctions de gérant de fait, et d’un contrôle sur pièce de leur situation fiscale, M. et Mme R ont été assujettis à des compléments d’impôt sur le revenu au titre des années 2003 et 2004 dont ils demandent la décharge ;

 

 

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

 

2.      Considérant qu’une irrégularité affectant la procédure d’imposition suivie par l’administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l’imposition s’il est établi que, n’ayant privé le contribuable d’aucune garantie, elle n’a pas pu avoir d’influence sur la décision de redressement ;

 

 

En ce qui concerne la méconnaissance de l’article L. 11 du livre des procédures fiscales :

 

3.      Considérant qu’aux termes de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales : « L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances…A cette fin elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés…. » ; qu’aux termes de l’article L. 11 du même livre : « A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification » ;

4.                Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, a adressé à M.R une demande d'information, notifiée le 17 mai 2006, lui demandant de justifier du montant de la pension alimentaire versée à son ex épouse qu’il avait déduit de ses revenus au titre des années 2003 et 2004, en indiquant qu’il était bien supérieur à celui fixé par un jugement du 24 juin 1992 du tribunal de grande instance de Grenoble ; qu’il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 13 juin 2006 que le vérificateur n'a pas opposé aux requérants un défaut de réponse à cette demande d'information, mais a fondé le redressement sur le fait que le jugement susmentionné prévoyait que la pension alimentaire n’était due au-delà de la majorité des enfants que tant qu’ils seraient à la charge de leur mère, et qu’il ressortait des éléments en possession du service que tel n’était pas le cas au titre des années en cause, et qu’en tout état de cause, le montant versé était bien supérieur à celui prescrit par le jugement susmentionné ; que, par suite, les erreurs commises par l’administration, qui avait indiqué que les requérants ne disposaient que d’un délai de réponse de quinze jours, au lieu de trente, ainsi que le non respect, lors de l'envoi de cette demande d'information, de ce délai de trente jours qui aurait dû être imparti aux contribuables en application de l'article L 11 du même Livre, sont restées sans influence sur la procédure de redressement et, dès lors, ne constituent pas des irrégularités substantielles de nature à entraîner la décharge des impositions ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

 

5.      Considérant qu’aux termes de l’article L. 76 B du même livre : « L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition (…) Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. » ;

 

6.      Considérant qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, lorsque le contribuable lui en fait la demande, l’administration est tenue, sauf dans le cas d’informations librement accessibles au public, de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d’en vérifier l’authenticité ou d’en discuter la teneur ou la portée ; qu’en ce qui concerne les documents ou copies de documents contenant des renseignements recueillis sur des sites Internet ou sur des serveurs de données et utilisés par l’administration pour établir un redressement, il appartient à celle-ci de les mettre à disposition du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions qui en résultent si celui-ci lui indique avant cette mise en recouvrement, en réponse à un refus de communication fondé sur le caractère librement accessible des informations en cause, qu’il n’a pu y avoir accès ;

 

7.      Considérant qu’il résulte de l’instruction que la remise en cause par l’administration de la déduction d’une somme de 48 000 euros versée par M. R en comblement du passif de la société Générale Isolation au titre de l’année 2004, est fondée sur un arrêt de la chambre commerciale de la Cour d’appel de Grenoble qui rappelait dans ses attendus la condamnation de M. R pour des faits d’abus de biens sociaux prononcée par la chambre des appels correctionnels de ladite Cour le 29 avril 1999 ; que si l’administration fait valoir qu’elle a bien communiqué à M. R, dans sa réponse à ses observations du 30 octobre 2006, les jugements commerciaux qui lui avaient été transmis par le liquidateur de la société Générale Isolation et qui étaient seuls en sa possession, la pièce dont elle se prévaut pour établir cette communication et qui avait été produite par le requérant à l’appui de sa requête ne saurait tenir lieu d’accusé réception de ce courrier, quand bien même elle comporterait dans un cadre l’adresse des requérants et porterait le tampon de l’administration ainsi que la mention manuscrite « présentée le 31 octobre 2006 » ; que dans ces conditions, l’administration a méconnu les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales et entaché la procédure d’imposition suivie d’irrégularités ; que cependant, M. R avait nécessairement connaissance de la teneur et de l’authenticité des différentes condamnations dont il a fait l’objet et était ainsi à même de contester utilement les motifs de ce redressements dès lors qu’une copie certifiée conforme de ces décisions juridictionnelles lui a nécessairement été notifiée par les juridictions concernées, soit  en vertu des articles 665 et suivant du code de procédure civile, soit en vertu des dispositions des articles 183 et suivant du code de procédure pénale ; qu’il n’établit, ni même n’allègue, que tel n’aurait pas été le cas ; que dans ces conditions, l’irrégularité commise par l’administration ne l’a privé d’aucune garantie et est resté sans influence sur la décision de redressement ; que dès lors, le moyen doit être écarté ;

 

 

Sur le bien-fondé des impositions :

 

8.                Considérant qu'aux termes de l'article 109 du CGI : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; […] Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. » ; qu'aux termes de l'article 111 dudit Code : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes... c. Les rémunérations et avantages occultes » ;

 

9.      Considérant que pour l'application de l’article 109 susmentionné, les bénéfices sociaux qu'il vise sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si la société, le contribuable, ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date ;

 

10.    Considérant qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la société PLI, où M. R exerçait les fonctions de gérant de fait, l’administration a réintégré aux résultats des exercices clos en 2004 et 2005 des dépenses relatives à des remboursements de frais de déplacement dont la déductibilité n’était pas justifiée, à hauteur de 13 133 euros au titre de l’exercice clos en 2004, et de 18 000 euros au titre de l’exercice clos en 2005 ; qu’elle a estimé, sans être contestée sur ce point, que les sommes correspondantes étaient constitutives de revenus distribués entre les mains de M. R dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que les exercices comptables de la société PLI ne coïncidant pas avec l’année civile, ces sommes ont été réintégrées aux revenus des requérants selon une répartition au prorata temporis en fonction du nombre de mois de l’exercice rectifié correspondant à chaque année civile ;  

 

11.    Considérant, s’agissant des redressements afférents aux distributions opérées par la société PLI au titre de l’exercice clos en 2004, réparties à hauteur de 3 283 euros au titre de l’année 2003 et de 9 850 au titre de l’année 2004, qu’en faisant valoir que M. R établissait mensuellement ses états de frais de déplacement, l’administration doit être regardée comme établissant le bien fondé d’une telle répartition de ces distributions ;

 

12.    Considérant en revanche, s’agissant des redressements afférents aux distributions opérées par la société PLI au titre de l’exercice clos en 2005, qu’il résulte de l’instruction que M. R n’avait pas effectué, au cours de cet exercice, d’état mensuel des déplacements, et qu’au titre du remboursement des frais engagés par ce dernier, la société PIL avait constitué le jour de la clôture du bilan une provision d’un montant de 18 000 euros, que l’administration a remise en cause dans son intégralité en l’absence de ces états mensuels ; que dans ces conditions, en se bornant à faire valoir que M. R avait établi des états de frais de déplacements mensuels au cours de l’exercice précédent, l’administration n’apporte pas la preuve qui lui incombe que la distribution d’une somme de 4 500 euros aurait été réalisée au cours de l’année 2004, antérieurement à la date de clôture du bilan de l’exercice 2005 et à la constitution de la provision susmentionnée ;

 

13.    Considérant qu’aux termes de l’article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : « L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction (…) II. Des charges ci-après lorsqu’elles n’entrent pas en compte pour l’évaluation des revenus des différentes catégories : (…) 2° (…) les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice (…) » ;

 

14.    Considérant qu’il résulte de l’instruction que le jugement susmentionné du tribunal de Grande Instance de Grenoble du 24 juin 1992 prévoyait que la pension alimentaire qu’il instituait au profit de Mme B n’était due au-delà de la majorité des enfants que tant qu’ils seraient à la charge de leur mère, et que le montant qui avait été fixé était bien inférieur à celui versé par M. R au titre des années en cause ; qu’il appartient toujours au contribuable qui entend déduire de son revenu des charges, telles que des pensions alimentaires, de justifier du principe même de leur déductibilité ainsi que de leur montant ; qu’il appartenait dès lors à M. R de fournir notamment tous éléments de nature à établir que ses enfants seraient toujours à la charge de leur mère, sans qu’il ne puisse utilement soutenir qu’il n’a pas accès à la déclaration de revenus de son ex épouse, protégée par le secret fiscal ; que, par suite, l’administration n’a pas méconnu la charge de la preuve en refusant la déduction des sommes en cause au motif qu’aucune justification probante n’avait été produite sur le principe de cette pension, ainsi par ailleurs que sur son montant ;

 

15.    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme R sont seulement fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu correspondant à la réintégration dans son revenu imposable de l’année 2004 de la somme de 4 500 euros ;

 

 

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

16.    Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en cours d’instance et non compris dans les dépens ;

 

D E C I D E  :

 

 

            Article 1er : La base imposable de M. et Mme R à l’impôt sur le revenu établie au titre de l’année 2004 est réduite de la somme de 4 500 euros.

 

            Article 2 : M. et Mme R est déchargé des droits et pénalité correspondant à la réduction de la base d’imposition décidée ci-dessus.

 

            Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme R la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

            Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme  R et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

 

 

Délibéré après l'audience du 27 février 2014, à laquelle siégeaient :

 

M. Harang, président,

M. Villard, conseiller,

Mme Paillet-Augey, conseiller,

 

Lu en audience publique le 27 mars 2014.

 

 

 

Le rapporteur,

 

 

 

N. VILLARD

 

 

 

 

Le président

 

 

 

P. HARANG

 

 

Le greffier,

 

 

 

 

C. BILLON

 

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.