Fermé depuis 2023, le télésiège de la Combe de l’Ours a été revendu par la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse à la communauté de communes Cœur de Chartreuse pour un euro symbolique, puis cédé à la société Val Cenis pour 1,6 million d’euros. Estimant la première cession réalisée à vil prix, un conseiller municipal, un contribuable et une association ont saisi le tribunal administratif de Grenoble. Ils demandaient en urgence la suspension des délibérations afin de stopper le démontage déjà engagé. Le juge des référés a rejeté leur requête, considérant que l’urgence n’était pas caractérisée. La question de la légalité des conditions financières de ces cessions reste à trancher au fond.
Le télésiège de la Combe de l’Ours, situé au pied de la station de ski de Saint-Pierre-de-Chartreuse, est fermé depuis l’année 2023 en raison du caractère historiquement déficitaire de son exploitation, dû à des difficultés d’enneigement. La communauté de commune Cœur de Chartreuse, qui assure la gestion de la station de ski et la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse, qui était redevenue propriétaire de ce télésiège à la suite de sa désaffectation du domaine skiable, ont alors décidé de procéder à sa revente.
Par l’effet de plusieurs délibérations adoptées dans le courant du mois de juin 2025 par ces deux collectivités, et dans un environnement juridique et financier complexe, la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse a d’abord revendu pour un euro symbolique le télésiège de la Combe de l’Ours à la communauté de de commune Cœur de Chartreuse, avec l’ensemble des droits et obligations qui y sont associés, avant que cette dernière ne revende elle-même ce bien à la société Val Cenis le 17 juin 2025, à un prix bien supérieur de 1 600 000 euros, en vue de son démontage et de sa réinstallation dans la station de ski éponyme.
Estimant que la cession à l’euro symbolique de la propriété du télésiège à la communauté de commune Cœur de Chartreuse avait été réalisées à vil prix au détriment de la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse, un membre du conseil municipal de cette commune, un contribuable local, et l’association Chartreuse Développement ont demandé au tribunal administratif de Grenoble l’annulation de ces délibérations par des requêtes enregistrées le 29 juillet 2025. Afin d’obtenir en urgence l’arrêt des travaux de démontage du télésiège qui avaient débuté dès le 28 juillet, ces mêmes requérants ont ensuite saisi le tribunal de nouvelles requêtes, enregistrées le 31 juillet, tendant cette fois à ce que soit ordonnée la suspension de l’exécution de ces délibérations dans l’attente du jugement au fond de leurs premières requêtes.
Cette procédure d’urgence dite du « référé suspension », prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, permet en effet à un juge statuant seul de suspendre à titre provisoire, et dans un délai généralement compris entre une et quatre semaines, les effets d’une décision administrative, afin de préserver les intérêts des parties dans l’attente du jugement au fond. Compte tenu du caractère provisoire de la mesure et des délais contraints dans lesquels la demande doit être examinée, la suspension de l’exécution d’une décision peut être ordonnée s’il existe seulement un doute sérieux sur sa légalité, mais doit impérativement être justifiée par une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du justiciable ou aux intérêts qu’il entend défendre. Cette condition cumulative dite « d’urgence » s’apprécie objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque situation, y compris la préservation des intérêts publics attachés à ce que l’exécution de la mesure litigieuse puisse se poursuivre dans l’attente du jugement au fond.
Par une ordonnance rendue le 14 août 2025, le juge de référés du tribunal administratif de Grenoble, sans se prononcer sur la condition tenant au doute sérieux sur la légalité des délibérations en litige, a rejeté les demandes tendant à ce que leurs effets soient suspendus, en se fondant sur le fait que les éléments dont se prévalaient les requérants ne caractérisaient pas une situation d’urgence.
S’agissant des délibérations portant sur la cession à l’euro symbolique du télésiège entre la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse et la communauté de commune Cœur de Chartreuse, qui portaient également sur le transfert de l’ensemble des droits et obligations qui y sont associés, il était en effet seulement soutenu, compte tenu notamment du montant des dettes afférentes à la propriété du télésiège, que la commune de Saint Pierre en Chartreuse aurait perçu une recette d’un montant net d’environ 240 000 euros si elle avait elle-même directement vendu le bien en cause à la société tierce. Mais il n’était ni établi, ni même allégué, que la perte de recettes ainsi subie par la commune serait susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à ses finances. A défaut d’éléments apportés par les requérants sur ce point, la condition d’urgence ne pouvait donc être regardée comme satisfaite en l’espèce.
Pour la délibération de la communauté de commune Cœur de Chartreuse portant sur la vente du télésiège à la société Val Cenis, les requérants se bornaient à déplorer l’atteinte irrémédiable que la cession du télésiège et son démontage allaient porter au devenir du domaine skiable, mais n’apportaient pas de contestation sérieuse s’agissant de l’intérêt public qui s’attachait au contraire au principe même de cette cession. En effet, l’exploitation de ce bien avait été interrompue dès l’année 2023, soit bien avant les cessions en cause, et la conservation de cette installation sur le site exposait la communauté de commune à d’importants frais de maintenance et à une diminution progressive de sa valeur vénale. Dans ces conditions, et ainsi qu’il ressortait notamment d’un rapport d’observations de la Chambre régionale des comptes du 28 septembre 2023, le juge des référés a considéré que le principe même de cette cession répondait à un intérêt public qui s’opposait à ce que son exécution soit suspendue dans l’attente du jugement au fond, de sorte que la condition d’urgence ne pouvait davantage être regardée comme satisfaite.
Les requêtes en référé ont ainsi été rejetées en toute leurs conclusions pour défaut d’urgence à statuer dans l’attente du jugement au fond. La question de la légalité des délibérations portant sur les cessions successives du télésiège de la Combe de l’Ours, et plus précisément des conditions tarifaires dans lesquelles ces cessions ont été réalisées, est ce faisant entièrement réservée.